
Le geste sportif du coureur amputé transfémoral


Depuis une quinzaine d’années, l’appareillage sophistiqué des amputés transfémoraux sportifs leur permet de réaliser des performances remarquables à la course. De nombreux éléments participent aux résultats des athlètes de haut niveau et chacun d’entre eux doivent être scrupuleusement analysés. Les manchons en gel uréthane pour le confort, les emboîtures en carbone pour la solidité et la légèreté, les pieds à restitution d’énergie en carbone pour le dynamisme sont la base des prothèses de sport. Pour les amputés transfémoraux, le choix d’un genou prothétique spécifique est primordial car il va conditionner de nombreux paramètre lors de la course. Autant d’éléments qui participent aux résultats de ces athlètes de haut niveau, soumis à un entraînement calqué sur celui des valides. L’intensité de leur pratique sportive sert de banc d’essai au matériel. Il permet également aux orthoprothésistes d’affiner leur maîtrise de l’appareillage et d’en faire bénéficier tous leurs patients amputés non sportifs.
Nous avons pu visiter l'entreprise Marcenac et Ducros et nous entretenir avec Patrick Ducros et Pierre Zanetti qui ont pu répondre à nos questions. L'entreprise a créé sa première lames de courses en 1986 pour l'athlète Dominique André.
Dominique André :
Né le 25/08/1965 à Ales dans le Gard
Pratique l’Athlétisme depuis 1994
Licencié au Club Alès Cévennes Athlétisme depuis 1996
10 sélections en équipe de France
Sportif de haut niveau depuis 1997
Court et vit avec une prothèse DYNAPRO développée à Montpellier par MARCENAC – DUCROS.







Adaptées au patient tant sur le plan anatomiques, que musculaire et biomécanique, les prothèses sont composées de 3 parties:
Emboîture et manchon
L’importance de l’emboiture est prépondérante dans la qualité de la prothèse : c’est elle qui va conditionner l’utilisation de l’appareil. Elle doit pouvoir offrir confort, contrôle, coaptation, légerté et liberté. Ces axes d'ergonomie sont obtenus de part les matériaux utilisés tels que le carbone et le silicone. Il faut savoir que l'appui ne sera pas effectué sur le moignon mais sur la branche ischiatique. Ainsi c'est particulièrement sur cette zone qu'il faudra mettre l'accent. L’utilisation d’une ceinture de maintien (Tesbelt) augmente la sécurité de la contention.
Il existe trois types d’emboiture caractérisés par leur principe de suspension, leur forme et les matériaux employés :
Les emboitures classiques
Elles se distinguent par leur suspension assurée par un système de bretelle passant par l’épaule.
Les emboitures contact
Ce sont les plus répandues. Le moignon est introduit dans l’emboiture grâce à un chausse prothèse permettant sa mise en place au contact de toute sa surface.
Les emboîtures souples
Elles s’aplatissent lorsque l’on s’assoit. Cette solution est aujourd’hui réalisable mais il faut rester prudent quant à la pérennité du résultat sur le patient. Malgré le confort instantané qu’elle peut provoquer, ce type d’emboiture peut entraîner des conflits sur la zone interne qui est très sollicitée.
Pour ce qui est des manchons, il en existe également 3 types :
Les manchons en silicone
Ils sont solides et résistants mais ne possède qu'un seul indice d'étirement. Ils sont très fin (environ 1 mm d'épaisseur) ce qui permet une très bonne proprioception. L'athlète fait ainsi
corps avec son appareillage. Cela représente un avantage de performance dans les courses de
courte distance. Par contre, ils peuvent s'avérer traumatisants, notamment au niveau du moignon, pour les épreuves de longue distance ou dans les compétitions avec de nombreuses séries.
Les manchons en gel de copolymères
Ils absorbent mieux les ondes de choc liées aux impacts grâce à une meilleur absorption des contraintes mécaniques. Ils sont plus épais que ceux en silicone (environ 3 mm) mais permettent d'enchainer les épreuves ou les distances. Ils sont également conseillés pour les personnes souffrants de névromes ou de problèmes algiques.
Les manchons en polyuréthane
Ils sont plus rares car ils sont fabriqués uniquement sur moulage et présente le désavantage d'avoir un poids plus important. Toutefois, ces manchons offrent un confort maximum, ils
sont très utilisés chez les amputés trans-tibaux pour les prothèses de course.
Le genou
Le choix du genou est essentiel pour la réussite d’une prothèse fémorale. C’est l’élément déterminant pour la sécurité, le confort et le dynamisme du patient. La principale crainte de tous les amputés est que leur genou plie au mauvais moment. Il est donc nécessaire d'avoir une excellente réactivité tout en allant vite. Les critères de choix d’un genou sont fonction des caractéristiques biomécaniques du coureur, de sa confiance et de son ressenti.
Les genoux se répartissent en trois catégories :
Type A
genou avec verrouillage sécurisé en phase d’appui et aucune régulation de la phase pendulaire.
Type B
genou avec verrouillage sécurisé en phase d’appui et régulation de phase pendulaire.
Type C
genou avec régulation de la phase pendulaire et contrôle de la phase d'appui.
Bien qu'il existe une grande variété de genoux sur le marché, on retrouve essentiellement deux marques (Otto-bock et Ossur) avec trois "genoux stars" dans les grandes compétitions : 3S80 (Otto-bock), Mauch (Ossur) et Total knee (Ossur).
En pratique, en fonction des besoins de la compétition et de ses sensations, l’amputé règle son genou facilement au bord de la piste par compression du vérin, celui-ci n’étant pas habillé esthétiquement.
Les genoux avec contrôle électronique de la phase pendulaire ne sont pas encore adaptés à la course : problème du temps de latence par rapport à un genou hydraulique ainsi que celui du poids et du volume de la batterie. Actuellement le genou le plus utilisé pour les sportif de haut niveau est le 3S80.
Les lames
Ce sont des prothèses spéciales permettant aux amputés de pouvoir courir, qu’ils soient transtibiaux ou transfémoraux. Ces lames, constituées de carbone, pèsent en moyenne 4 kilos de moins qu’une jambe biologique. Les lames agissent comme des ressorts à compression alliant dynamisme, légerté, robustesse et souplesse.
Elles présentent ainsi plusieurs caractéristiques biomécaniques :
- absorbtion des contraintes
- amélioration du rendement
- restitution d’énergie rapide et puissante
- placées en équin pour reproduire la course habituelle du sprinteur
Chaque coureur pourra ainsi choisir une lame en fonction de son coefficient de rigidité et d'élasticité selon la forme de ses fibres et de son rayon de courbure qui améliorer sa force de compression. La taille de la prothèse est sur mesure en fonction de la taille et du poids de l'utilisateur.
La lame la plus utilisée par les athlètes de très haut niveau est la Cheetah (Ossur). On trouve également les lames Flex-Run (Ossur) et Sprinter 1E90 (Otto-bock). Ces lames étant chères et non remboursées, elles sont généralement utilisées par des athlètes sponsorisés.